Certains m’ont dit «tu as de la chance de vivre ça», effectivement, mais cette chance je l’ai saisie, elle ne m’est pas tombée dessus par hasard. J’ai suivi un rêve, puis l’ai laissé s’exprimer et évoluer au cours de l’année.

 

D’autres, parfois les mêmes, m’ont dit «quel courage tu as», il ne m’a pas fallu de courage pour vivre ce dont je rêvais depuis longtemps, juste un peu d’imagination, de sens concret, d’audace, de confiance en moi (je commence à en avoir un peu même si je doute encore beaucoup), et surtout de laisser s'exprimer mes envies!

 

D’autres m’ont aussi demandé comment je finance cette année. Je n’ai pas de salaire pendant un an, j’ai vendu ma maison et acheté un van aménagé. J’assume de ne rien demander à personne, la vraie liberté est à ce prix, et c’est un luxe incroyable!

En exprimant cela, je rencontre des réactions souvent surprises «tu es complètement punk» m’a dit une collègue. Peut-être, mais une fois passé le moment de surprise, la plupart ont plutôt un regard admiratif et semblent se demander s’ils seraient capables de faire la même chose.

 

La question que je me pose maintenant est comment partager mon expérience, non pour dire regardez ce que j’ai fait, mais pour dire que chacun peut suivre ses rêves, quels qu’ils soient.

 

Evidemment, la question du retour à la vie normale m’interroge aussi. Comment reprendre la vie avec ses contraintes, son cadre quand on a pris goût à une liberté assumée, choisie et qui m’a rendue pleinement heureuse.

 

Il ne faut pas croire que cette année n’a été faite que de bons moments même si la grande majorité le sont et me nourrissent maintenant et j’espère pour longtemps. Il y a eu des moments de doute, sur ma capacité à mener ce projet, sur mes choix, sur l’orientation à donner quand un obstacle se met en travers de la route. Des moments de solitude aussi où mes proches m’ont manqué, où j’aurais aimé être avec eux et les serrer dans mes bras, partager un bal, un entraînement de course à pied, une partie de cartes, un bon repas…

 

Je réalise à peine ce que j’ai accompli, surtout que mon retour précipité à cause d’un évènement très perturbant m’a obligée à un retour sur terre un peu brutal. Mais le soutien de mon entourage, famille comme amis, me permet de revenir enrichie de mille images, de belles rencontres, de souvenirs incroyables, et plus forte de toute cette richesse humaine et naturelle qui m’ont accompagnée pendant tout mon voyage.

 

Le vrai luxe, c’est le temps, celui que l’on prend pour regarder une fleur, pour faire une promenade seule ou accompagnée et découvrir de somptueux paysages. 

Le temps de donner le biberon à des agneaux d’un jour dont la mère n’a pas assez de lait pour les deux.

Le temps de rester posée au fond d’un fjord à regarder les oiseaux s’amuser avec les vagues et le vent, le temps de ne rien faire que de profiter de ce qui est là.

Le temps de faire un détour parce que la piste qui s’ouvre ici où là mène sûrement quelque part, et de découvrir une cascade, une rivière, quelques arbres, et parfois un faon qui reste calme et serein devant mon incrédulité humaine.

Le temps de vivre simplement, juste avec les contraintes que l’on se met soi-même, et celles inhérentes au voyage, la météo mais avec laquelle on apprend à composer, les aléas qui obligent à s’adapter mais qui offrent des opportunités que l’on n’avait pas envisagé, les rencontres qui orientent parfois un bout du voyage…

 

Je tourne maintenant la page de ce chapitre de ma vie, un autre s’ouvre, dans une autre région, avec de belles découvertes à venir tant humaines que géographiques.

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